L’ébullition créative du Puy du Fou

Le Puy du Fou est une aventure artistique française née il y a 45 ans, qui a patiemment inventé son propre langage — un 8e art — empruntant au théâtre, au cinéma, au ballet, ou même à la peinture. Cette longue expérience créative a valu à ses spectacles les plus belles récompenses mondiales, saluant toujours la singularité et l’originalité de ce nouveau modèle artistique aujourd’hui réclamé dans le monde entier. Car le Puy du Fou a fait un choix  stratégique qui fait exception parmi les plus grands créateurs de spectacle, celui de conserver en interne la maîtrise de trois savoir-faire décisifs : l’art de concevoir, l’art de bâtir, et l’art de faire vivre les spectacles qu’il crée. Toutes les étapes, depuis l’idée initiale jusqu’à la  présentation quotidienne du spectacle au public, sont accomplies par la même maison. Cette spécificité garantit la force et l’unité de la signature du Puy du Fou, marquée par le souffle, le cœur à cœur, l’émotion.

Et cette signature puise son inspiration dans le légendaire français, cet imaginaire collectif qui nous relie les uns aux autres et nous donne de partager des rêves communs. Le Puy du Fou est donc, par nature, une œuvre de passion, portée par des émerveilleurs qui veulent garder leur cœur d’enfant. Aucune limite à l’imagination. La démesure devient  l’indispensable folie qui touche le visiteur. Chaque spectacle du Puy du Fou appelle donc un investissement artistique et financier colossal, au moins cent fois supérieur à la norme. Chaque création est l’occasion d’un dépassement, un élan du cœur prêt à toutes

les audaces, pourvu qu’elles servent une émotion profonde et universelle. Au fond, le secret est là : être passionnément généreux. Car la générosité ne triche pas, elle transcende, elle élève, elle offre une nouvelle chance.

La belle époque

Il était une fois, dans un pays si proche — c’était ici, c’était hier en France… juste là, de l’autre côté du siècle des guerres. C’était l’époque où les parents de nos grands-parents échangeaient leur premier baiser au préveil de mai. C’était la Belle Époque, cette parenthèse enchantée de notre Histoire, suspendue dans l’éternité comme un souvenir d’enfance, un rêve de bonheur et d’insouciance …

En ce temps-là, tout n’était qu’effervescence et découverte : c’était le temps d’Albert Einstein et de Jules Verne, des premières automobiles côtoyant les majestueux omnibus tirés par de lourds chevaux de trait, de la Tour Eiffel offerte à Paris comme un symbole de modernité. La bicyclette s’appelait encore “vélocipède”, et les inventions “cinématographiques” des frères Lumière avaient un nom bien pédant qui faisait sourire le profane. On voyageait en train ou en ballon, on rêvait de voler avec Blériot. C’était le temps des Expositions Universelles,

ces fêtes extravagantes et fabuleuses, où l’on construisait des palais éphémères pour “la fée électricité”, où l’on rêvait en grand un avenir où tout serait enfin possible, où l’on irait toutes voiles dehors vers le bonheur.

Les femmes de ce temps-là ne savaient pas encore qu’elles partiraient au charbon et au labour, qu’elles iraient fabriquer des obus à l’usine quand les hommes seraient partis au front.

Elles espéraient tout, elles avaient des rêves plein le cœur, elles étaient de toutes les audaces. Elles partaient explorer le Tibet ou le Maroc, habillées comme des hommes. Elles gagnaient les courses de voitures et allaient bientôt piloter des avions au-dessus des Andes — elles s’appelaient Adrienne ou Camille, Isabelle ou Alexandra… Elles bousculaient les codes, le confort moral et le bon goût — on les nommait Colette, Gabrielle, Isadora, Liane, Valtesse ou Cléopâtre… Elles montaient sur scène, se créaient des personnages et devenaient des étoiles — l’exotisme de leurs prénoms de fantaisie marquait déjà leur époque : Sarah, Réjane, Emélie, Musidora, Cora, Régina … Décrocher l’une de ces étoiles et se faire aimer d’elle était un exercice périlleux et coûteux ; il fallait être prince ou magicien pour y prétendre.

C’était justement la grande époque des magiciens et des illusionnistes. Robert Houdin venait tout juste d’éteindre ses quinquets, Méliès allait bientôt déployer ses talents de prestidigitateur, avec une joie d’enfant communicative. C’était l’âge d’or du cirque tzigane et des ballets russes, des acrobates, des mimes et des étoiles, du kaléidoscope et de la lanterne magique …

On allait pour la première fois au cinéma, pour cinquante centimes, sous la tente du préveil ou dans des salles qui étaient décorées comme des manèges de chevaux de bois, au Salon Indien, au Café de la Paix ou au Passage de l’Opéra. Max Linder, Sacha Guitry, Séverin étaient à l’écran ; ils nous charmaient, ils nous faisaient rire et pleurer comme des gosses …

Qui se serait douté qu’en l’espace d’une guerre, ce monde allait disparaître, avec ses fées et ses fantômes, avec « ses couleurs divines, sa bienheureuse gaîté, son lustre et sa fleur que jamais on ne flétrira » (S. Zweig, Le monde d’hier), comme disparaît de la place du village le souvenir même du cirque, avec ses écuyères et ses chevaux ?

Le Mime et l’Etoile est un hommage à ce monde disparu, qui est pourtant toujours là, à portée de coeur, comme une enfance retrouvée, teintée de nostalgie pour un monde qu’aucun de nous n’a pourtant jamais connu.

Une célébration du 7e art


A travers Le Mime et l’Étoile, le Puy du Fou fête le cinéma et célèbre les débuts du 7e art. Les pre- miers réalisateurs étaient des explorateurs, qui  faisaient tous les métiers du monde et recou-raient sans cesse à la débrouillardise — un muid de bière ou un cercueil servaient de chambre noire, parce qu’on n’avait rien d’autre sous la main.

Le cinéma des premiers temps, ingénu ou comique — souvent les deux à la fois —, avait des airs de  cirque et de fête foraine. C’est dans les foires que Charles Pathé faisait ses premières  expériences, et c’est dans le Journal des Forains qu’il publiait les annonces de ses films. Comme le Puy du Fou à la nuit tombante, la vie ressemblait à un grand éclat de rire : on s’amusait  encore, en ces temps où l’on découvrait les premiers trucages avec une excitation d’adolescent. Ce  cinéma-là était l’art de la lanterne magique qui embrassait tous les goûts populaires. Ce qui  faisait sa fraîcheur, sa sa-veur si particulière, devait aussi mener le cinéma dans une impasse : les productions devenaient  répétitives, lourdes du même comique déjà vu cent fois, des mêmes scènes sen- timentales sans  relief. Si bien que, selon les critiques, le ci- néma était mort, il était allé au bout de ses possibilités, il n’évoluait plus. Alors arriva une nouvelle génération d’au- teurs et de gens de lettres, de personnalités qui eurent l’am- bition de faire du cinéma un Art, au sens noble. Ce furent d’abord les films scientifiques, documentaires, religieux, les films d’actualités… Puis, en 1908, le premier film de l’Acadé- mie française. C’était une floraison soudaine de prétentions 

artistiques, d’adaptations historiques et littéraires. Seul le magicien Méliès, jusqu’à la guerre, 

demeurait l’heureux pri- sonnier de son enfance.

Les grands progrès du cinéma sont alors artistiques et tech- niques : l’évolution du jeu d’acteurs d’abord, grâce aux mimes comme Wague, Séverin-Mars, Paul Franck, qui apportent à l’écran leur incroyable maîtrise d’un art très ancien, grâce à de grandes vedettes comme Buster Keaton ou Max Linder, ins- pirateurs de Chaplin, et véritables créateurs du style comique à l’écran. L’évolution de la technique ensuite, par l’invention du cinéma parlant : les recherches de Léon Gaumont (1900) ou d’Edouard Lauste (1907-1910) permettent les premières expériences de cinéma sonorisé, inventions reprises après- guerre par les frères Warner, outre-Atlantique (notamment dans Le Chanteur de Jazz, en 1927). L’invention du cinéma en couleur enfin, grâce aux Anglais Turner, Smith et Urban, et sur- tout grâce aux innovations d’Herbert Kalmus, qui fonde en 1914 la Technicolor Motion Picture Corporation, et met au point en 1928 une technique trichrome qui permet enfin de reproduire toutes les couleurs au cinéma.

C’est toute cette histoire, de 1895 à 1935, que raconte Le Mime et l’Étoile, d’un seul élan et sous la forme d’une fable amoureuse.


Le synopsis du spectacle

Nous sommes en 1914. Dans le studio où nous pénétrons, encombré de caisses de rangement, d’éléments de décors et de matériel cinématographique, se prépare un tournage singulier.

Le réalisateur Gérard Bideau s’affaire à la préparation de son tournage et livre ses dernières consignes. Il ne vient pas tourner un film mais réaliser un rêve : offrir au cinéma muet

et noir et blanc, une couleur et un son. Le metteur en scène est en effet convaincu que si deux êtres s’aiment d’un amour sincère et réciproque devant l'œilleton de sa caméra, alors le cinéma pourra devenir parlant et coloré.

L’actrice est une étoile — une star, dirait-on aujourd’hui — au prénom de braise, Garance, qui porte en elle les aspirations d’une femme de la Belle Époque toute prête à saisir son destin. Le mime qui partage l’affiche avec elle est un Tzigane. Son costume jaune de cirque lui vaut son nom de scène : Mimoza. Le jeune Tzigane rêveur promène avec son cirque les restes de son enfance, c’est un vagabond qui trimbale son art de villages en villages.

Le réalisateur organise la rencontre entre ses personnages que tout oppose, exhortant le Mime à conquérir le cœur de l’Étoile .

Mimoza maîtrise les arts du cirque et de l’illusion, mais par-delà son talent, puise dans ses rêves d’enfance mille tours pour impressionner celle qui a déjà gagné son cœur.

Au cinéma, tout est permis, y compris les fantaisies les plus extravagantes. Ce film dans lequel il s’apprête à tourner lui offre de tenter toutes sortes d’illusions et de prodiges

pour impressionner la belle et l’emmener dans ses rêves d’enfant. Mais bientôt le tournage est interrompu par un événement dramatique qui bouleverse la vie de Mimoza, bouscule les sentiments naissants de Garance, et anéantit tous les espoirs du réalisateur …

La rencontre de Méliès, Keaton et Chaplin

Méliès est le héros indépassable de cette génération de pionniers. À lui seul, il incarne l’esprit d’enfance du cinéma, qui n’était pas encore une industrie.

« Je suis à la fois un travailleur intellectuel et manuel, déclara-t-il un jour. Cela explique pourquoi j’aime le cinéma passionnément ». Il avait le savoir-faire et l’expérience d’un bricoleur touche-à-tout, capable de construire n’importe quoi avec une étonnante rapidité. Son imagination, d’une ubiquité enfantine, était celle d’un poète. Il cultivait le talent agabond

et naïf des premiers peintres.

Quand il était élève au fort sérieux lycée Louis Le Grand, Méliès fabriquait déjà des guignols dans ses pupitres ; il ne devait jamais changer. Tour à tour industriel, mécanicien, ébéniste,

dessinateur, peintre, caricaturiste, il savait tout faire. 

Attiré par la prestidigitation, il avait monté des spectacles de pantins, inventé divers appareils électriques pour mettre en scènes les fééries qui sortaient sans cesse de son esprit baroque et fantaisiste, comme du chapeau d’un magicien.

Quand les frères Lumière mirent au point leur cinématographe, Méliès était directeur du théâtre Robert Houdin, un théâtre d’illusionnistes nommé en hommage au plus grand magicien du XIXe siècle. Tout de suite, il pressentit le potentiel de la nouvelle invention.

Méliès fut le premier à faire du cinéma un véritable spectacle, basé sur une fiction dramatique, un grand sens de l’imprévu et des rebondissements, et les premiers effets spéciaux. « Le cinéma est intéressant, parce qu’il est avant tout un métier manuel », aimait-il déclarer. L’une de ses grandes passions était la construction du décor, qui faisait partie du travail de metteur en scène. Il fallait tendre une grande toile de fond, y peindre le décor en noir et gris, fabriquer quelques meubles et ustensiles, voire même une véritable architecture, car le metteur en scène pratiquait aussi le jeu de construction. Le réalisateur qui entre en scène dans notre spectacle Le Mime et l’Étoile doit donc beaucoup à Georges Méliès. Il en est le fils spirituel et l’héritier immédiat, plein de candeur et d’ingénuité. Comme Méliès, notre personnage a le goût de l’enfance, et entraîne ses acteurs dans ses rêves les plus inattendus.

Mais le mime Mimoza autant que le réalisateur du Mime et l’Étoile empruntent à Buster Keaton son incroyable sens du rythme, le goût des courses folles et des travellings en plan séquence, où chaque action semble miraculeusement improvisée. Comme chez Buster Keaton, tout est possible à Mimoza, du moment qu’il parvient à mimer ce qu’il ne sait pas exprimer autrement qu’avec son corps malléable d’acrobate.

Il voudrait bien convaincre celle qu’il aime, la si charmante Garance, mais il se confond en maladresses. À l’image du grand génie du cinéma muet Keaton, Mimoza provoque le destin et s’extrait du commun par une audace qui le métamorphose finalement en héros.

Le Mime et l’Étoile doit aussi beaucoup au génial Charlie Chaplin, pour son sens universel de l’humour, du quiproquo, pour son autodérision. Mimoza ne sait pas se prendre au sérieux. Et quand il n’est pas grimé, il se réfugie dans la grimace.

À l’instar des personnages de Chaplin, Garance, Mimoza, et tous ceux qu’ils embarquent dans leur aventure improbable ont bien souvent les traits de la caricature, celle d’une époque que notre imagination dessine tout en relief et en contrastes, une époque qu’on ne peut concevoir qu’en noir et blanc. Dans un travelling sans fin, Mimoza poursuit Garance qui ne cesse de lui échapper pour filer vers son destin qu’elle croit pouvoir saisir plus loin, là-bas, au-delà du cadre. On croirait voir Chaplin déambulant à toute allure sur le trottoir d’une rue interminable, tel un pantin désarticulé, épuisé par le rythme effréné de sa propre course. Les figures que croise le spectateur sont des archétypes, comme dans les images d’Épinal, et comme dans l’univers si inspirant de Charlie Chaplin.

Bienvenue au studio de Gérard Bideau

En plein cœur du Puy du Fou, à deux pas du Bourg Bérard, une nouvelle construction Belle Époque de poutres métalliques et de briques patinées par les années, est sortie de terre cet hiver. Comme d’habitude au Puy du Fou, le théâtre du Mime et l’Étoile a été conçu et construit spécialement pour ce spectacle, afin de répondre aux besoins artistiques de la mise en scène. Ce ne sont pas les machineries, les décors et la scène qui s’adaptent aux contraintes d’espace induites par le théâtre, mais bien l’inverse : les plans du bâtiment sont établis sur mesure pour correspondre précisément aux exigences du récit et de l’émotion.

Ainsi le spectateur du Mime et l’Étoile pénètre dans un studio de tournage du XXe siècle naissant. Un plateau de cinéma était alors un monde à part, où les hiérarchies ordinaires

étaient bouleversées pour servir l'œuvre en création. Le cinéma était désespérément muet, et les grandes vedettes de théâtre qui n’existaient que par le verbe haut et clair, ne valaient rien devant une caméra. On leur préférait les mimes pour leur incroyable expressivité, voire les simples ouvriers, pour le naturel et la spontanéité du jeu. Dans les premiers films de Léon Gaumont, à côté de la vedette Alice Guy, les deux jeunes premiers étaient un mécanicien des ateliers et un apprenti de l’usine.

Les machinistes, les électriciens, les menuisiers qui travaillaient au studio se transformaient souvent en acteurs, le temps d’un tournage, aux côtés du réalisateur. Georges Méliès lui-même joua dans tous ses films. Du haut en bas de l’échelle, on se prêtait au jeu. La grande verrière qui constitue la façade du bâtiment abritant le Mime et l’Etoile rappelle la serre de Méliès, qui aimait tourner dans ce décor vitré afin de capter les lumières

vives du jour ou le rayon froid de la lune. Le lieu est habité, on le sent d’emblée, par les nombreux tournages qui ont installé ici leur plateau. Les affiches de films au mur, les toiles suspendues, les vieux costumes, les fausses barbes et les perruques en bataille, les bobines et les pots de peinture sont la trace des tournages illustres qui précédèrent celui que nous nous apprêtons à découvrir. Les 2 000 spectateurs s’installent sur un amoncellement de caisses de bois ou sur les pliants qui trainent auprès du plateau, car aujourd’hui, le réalisateur a donné instruction : à titre tout à fait exceptionnel, le public va pouvoir assister au tournage de son film. Nous voilà donc, aux premières loges, les témoins privilégiés d’un prodige à venir : la naissance d’une oeuvre cinématographique. Silence… ça tourne !

Investissement : plus de 20 millions d’euros

Superficie du théâtre : 3 805 m2

Poids de la charpente : 380 tonnes

Hauteur du bâtiment : 16 mètres

Tribune : 2 000 places

Une révolution scénographique

Dernier-né des spectacles du Puy du Fou, Le Mime et l’Étoile est le fruit de 45 ans d’expérience créative. Les équipes artistiques et techniques qui ont conçu et produit cet hommage aux débuts du cinéma ont mis tout leur art et leur passion à dessiner une œuvre touchante et spectaculaire. Dans sa quête perpétuelle de l’innovation, le Puy du Fou accepte ici de quitter les sentiers battus et de prendre un très grand risque artistique, pour s’aventurer dans un nouveau langage scénographique qu’il a fallu dompter et apprivoiser.

Nuances de noirs et blancs 

Dans notre histoire, le personnage du réalisateur aimerait rendre le cinéma parlant et coloré. Un défi impossible pour l’époque qui ne maîtrise pas encore la technologie nécessaire à l’accomplissement de ce prodige. Voilà pourtant l’objectif des équipes créatives du Puy du Fou au moment de donner naissance à ce nouveau spectacle : restituer, en direct devant

le public, l’esthétique exacte d’un film d’époque en noir et blanc, sans filtre, sans artifice entre l’oeil et la scène, avec de vrais personnages dans de vrais décors. Dans un film Belle

Époque, le noir et le blanc n’existent pas plus que la couleur.

Tout n’est en fait que grisaille, car rien n’est tout à fait noir ni blanc. Or, pour offrir au spectateur l’illusion parfaite du noir et blanc sans l’entremise de la caméra, il a fallu concevoir et fabriquer spécialement les décors, les accessoires et les éléments mobiles apparaissant sur la scène, tout comme les centaines de costumes, dans la seule palette des variations de gris. Le maquillage, la couleur des cheveux ou même des mains, tout est cendré pour correspondre absolument à ce que notre imaginaire conserve du noir et blanc. La lumière, conçue sur mesure, est une alliée précieuse qui met en avant les contrastes, les renforce ou les atténue, selon l’humeur et l’émotion recherchée. Pendant plus d’un an, le Puy du Fou a réalisé des centaines de tests, au plus près des conditions réelles du spectacle, pour trouver le juste dosage de lumière et de contrastes. Car sur une scène entièrement soumise au noir et blanc, le moindre défaut de couleur attire le regard. Quand au début du XXe siècle, la couleur était impossible sur un écran, au début du siècle suivant, le retour au noir et blanc sur une scène est un défi redoutable. Le Mime et l’Étoile relève le pari.

La musique est un personnage

Compositeur de musiques de films et de spectacles, Nathan Stornetta raconte

la création de la bande originale du Mime et l’Étoile. Comment avez-vous travaillé pour écrire la musique du Mime et l’Étoile ?

Un spectacle sur le cinéma qui commence en noir et blanc et muet : une toile vierge pour le

compositeur ! Le challenge : traduire toutes les émotions et actions des personnages, tantôt de manière spectaculaire, tantôt d’une façon plus fine et délicate... La taille du décor nous permet d’écrire de la grande musique romantique et entraînante mais aussi, parfois, de créer un contraste avec l’impressionnante machinerie, en n’utilisant que quelques notes de violon ou d’accordéon.

C’est cette sobriété mélancolique que j’ai essayé de trouver.

Quelles ont été vos inspirations musicales ?

Le spectacle traite de la Belle Époque et donc de l’image d’Épinal que les gens en ont : Le bal musette, les débuts du jazz de danse. Il met aussi en scène les gens du voyages, arrivant de pays de l’est avec leur musique, leur culture et l’esprit circassien.

J’ai donc mélangé ces influences pour sélectionner mes instruments, en faisant la part belle à l’accordéon et au violon, respectivement interprétés par Eric Allard-Jacquin et Leah Zeger. La guitare manouche de Django est aussi présente dans cette bande son, agrémentée d’un généreux tapis de cordes, d’une clarinette kletzmer, d’un piano et autre céleste et boîtes à musique.

En quoi cette musique diffère-t-elle de celles déjà composées pour le Puy du Fou ?

À l’inverse des autres spectacles, qui se situent à des époques plus lointaines et demandent une musique orchestrale épique cinématographique, j’ai tenté de développer ici un petit monde musical avec beaucoup de caractère, des défauts parfois même, afin d’en faire une musique vivante et généreusement expressive, se balançant entre les sonorités de Piaf, de Henri Mancini et d’autres monuments de la musique que j’aime.

J’avais envie de faire honneur à la tradition musicale des prémices de la chanson française tout comme à l’influence gipsy et au côté sophistiqué et dansant du jazz. J’espère que cela permettra au public d’avoir l’impression de sortir d’un rêve une fois le spectacle terminé...

Le travelling inversé

Figurez-vous une caméra posée sur un chariot qui traverse en roulant toute une rue dans sa longueur, c’est ce qu’on appelle un travelling. Le Mime et l’Étoile a été conçu comme un

travelling : dans le film réalisé par le personnage de Gérard Bideau, l’action se déroule à la façon d’un travelling, c’est- à- dire d’un voyage. Seulement, voilà… Contrairement à la

caméra qui peut rouler indéfiniment sur des centaines de mètres, la tribune, elle, ne peut souffrir un tel déplacement.

L'œil du spectateur dans la tribune est pourtant la caméra du spectacle. Alors comment donner au spectateur le sentiment réaliste qu’il se déplace, tel une caméra sur son rail

de travelling ? Le Mime et l’Étoile emprunte la seule voie possible : si le spectateur ne peut se déplacer, c’est au décor de se mouvoir, et ce sur des centaines de mètres. Ce n’est

plus la caméra qui avance dans la rue, mais la rue qui défile devant la caméra. C’est ici l’une des prouesses majeures réalisée pour la mise en scène de ce nouveau spectacle :

devant l’optique de la caméra du réalisateur, tout se met en mouvement, créant la confusion chez le spectateur : est-ce la tribune qui se déplace ? Ou bien la scène qui se meut ?

Les façades de maisons et les devantures de magasins — quincaillerie, bijoutier et crèmerie, herboriste, rempailleur de chaises, luthier, et bien d’autres encore — tout défile

en décor réel devant la tribune captivée. Ainsi, les personnages du spectacle parcourent près de deux kilomètres de rue, grâce aux 140 tonnes de décors culminant sur plusieurs étages, à 10 mètres de hauteur. Les 120 personnages en mouvement embarquent dans ce travelling géant, grâce à une autre prouesse technologique leur permettant de marcher, et même courir, sur des centaines de mètres sans pourtant se déplacer. Cette illusion est rendue possible grâce aux tapis roulants qui épousent harmonieusement le mouvement de la rue. Sur ce sol mobile défilent toutes sortes d’individus, mais aussi des voitures, des réverbères et des colonnes Morris, des arbres et des étals, un camion laitier ou une ambulance, etc… Sans jamais quitter son siège, le spectateur est ainsi invité au voyage, loin, très loin, dans le sillage audacieux de Garance et de Mimoza.